L'induction de tolérance est une notion apparue il y a une trentaine d'années, lorsqu'on s'est rendu compte que les régimes d'éviction stricts dans les allergies alimentaires altéraient la qualité de vie des allergiques. Les allergologues Fabienne Rancé et Denise-Anne Monneret Vautrin ont mené des études puis imaginé des protocoles de soins. Les candidats à l'induction de tolérance orale sont préférentiellement des enfants. Mais l'ITO peut être envisagée chez l'adulte sous certaines conditions.
ITO : principe
L'induction de tolérance orale est basée sur l'immunothérapie spécifique (ou désensibilisation). Il va s'agir :
- d'évaluer le seuil de réactivité à un aliment de la personne allergique ;
- de lui faire absorber régulièrement dans le temps (fréquence) des plus petites quantités de cet aliment ;
- d'augmenter la quantité d'aliment (poids) jusqu'à un seuil de sécurité ;
- de maintenir ce seuil de sécurité.
ITO : quels aliments sont concernés ?
Les aliments induits sont les plus communs dans l'alimentation, ceux dont l'absence altère la qualité de vie de la personne (blé, lait, œuf). Il s'agit aussi d'aliments qui sont présents dans l'alimentation transformée sans que cela soit une évidence (arachide, noisette, noix de cajou, soja).
ITO : comment procède-t-on ?
L'enfant a été auparavant diagnostiqué par un allergologue qui suit son état de santé pendant son régime d'éviction. Ce bilan accompagné d'un dialogue avec les parents et l'enfant allergique va permettre d'établir une relation de confiance. Une ITO est un traitement long (1 à 2 ans parfois) et l'implication doit être volontaire.
Test de provocation orale (TPO)
L'enfant est admis en hospitalisation de jour et perfusé par sécurité pour un test de provocation orale (TPO).
En fonction des protocoles, variables d'une équipe hospitalière à l'autre, l'enfant mangera une quantité d'aliment pesée en milligramme et dissimulée dans une préparation type compote de pommes. Les prises alimentaires, à doses croissantes d'allergènes, sont espacées de 2 ou 4 heures. Un suivi médical est assuré en continu par l'équipe médicale.
Au terme du protocole :
- L'enfant peut ingérer plusieurs dizaines de grammes sans symptômes de réaction allergique alimentaire. Il peut rentrer chez lui et sa tolérance, acquise naturellement, sera maintenue par un régime alimentaire comportant régulièrement une quantité d'allergène.
- Une réaction allergique (vomissements, crise d'asthme, œdème laryngé) apparaît, le protocole est arrêté et l'état de santé de l'enfant pris en charge par l'équipe soignante. Un seuil de réactivité à l'aliment est déterminé.
Bon à savoir : on peut guérir naturellement d'une allergie alimentaire lorsqu'on est enfant, parce que le système immunitaire acquiert de la maturité et de la pertinence dans ses réactions. Après la sortie de l'hôpital, il est important que les parents accompagnent cette tolérance constatée en milieu hospitalier et fassent consommer l'allergène auparavant banni à leur enfant. Si elle n'est pas régulièrement stimulée, la tolérance peut se perdre.
À noter : la poudre de graine d'arachide Palforzia® utilisée dans la désensibilisation en cas d'allergie à l'arachide, a réduit la fréquence et l'intensité des réactions allergiques à l'arachide lors d'un test réalisé à l'hôpital. Cependant, elle augmente la fréquence des réactions allergiques dans la vie quotidienne des patients, y compris celles motivant l'administration d'adrénaline (source : Prescrire, 1er décembre 2022).
Induction de tolérance
Après une nouvelle période de repos alimentaire pour l'enfant (environ 3 mois de régime d'éviction), l'induction de tolérance va pouvoir commencer.
En fonction de l'aliment et du seuil de réactivité, les doses d'allergènes seront préparées en laboratoire (pesées précises) ou fabriquées à la maison.
L'imagination des familles alliées aux préconisations des allergologues permet beaucoup d'astuces dans les protocoles.
Par exemple, pour l'ITO cacahuète, ¼ de soufflé à la cacahuète tous les jours, puis la semaine suivante ½ soufflé, puis 1 entier… tout en surveillant la survenue de symptômes de l'allergie, jusqu'à obtenir une dose de sécurité au terme de 2 années de progression régulière, de 6 cacahuètes chocolatées deux fois par semaine.
Ce seuil de sécurité met l'allergique à l'arachide à l'abri d'une réaction allergique grave en cas d'ingestion accidentelle.
Lorsque le seuil de réactivité de départ est très bas (quelques milligrammes), il peut être préférable de faire peser en laboratoire l'exacte quantité d'allergène pour commencer l'ITO.
Voici d'autres exemples d'ITO :
- L'ITO à l'œuf sera menée de façon un peu différente, en consommant séparément le jaune du blanc, en les consommant d'abord cuits dans des gâteaux, jusqu'à baveux en omelette puis crus dans de la mousse au chocolat.
- L'ITO au blé peut consister à couper du pain de mie en cubes et à augmenter le nombre de cubes/jour.
Attention : un enfant en induction de tolérance reste un enfant allergique et même s'il consomme confortablement l'aliment auquel il est allergique (son système immunitaire a été en quelque sorte « forcé »), ses prick test pourront rester positifs lors d'un bilan allergologique.
Maintien de la tolérance
Le seuil de sécurité est variable selon les aliments. 200 ml de lait, 10 cacahuètes, 5 noix de cajou… Ce seuil est à estimer en fonction de l'offre de consommation courante :
- il est important de continuer à éviter l'aliment allergisant en dehors des doses de maintien.
- il est important d'entretenir le terrain de tolérance en consommant régulièrement l'aliment.
Ce n'est pas très difficile de manger du gâteau quand on est allergique à l'œuf. Ce peut-être plus difficile quand il s'agit de 4 cacahuètes tous les 2 jours…
Heureusement les préparations sont nombreuses pour varier les régimes de maintien.
La tolérance acquise n'est jamais définitive et il faut l'entretenir en consommant régulièrement l'aliment.